L'après-USA... c'est une bien vaste question! Comment ça se passe, dans notre tite tête ? Comment on réagit face à tout ce(ux) qu'on retrouve ? Est-ce que les States nous manquent? Dans cet article, je ne peux pas parler pour quelqu'un d'autre que moi, la post-aventure se vit très personnellement, et je pense que chacun réagit différemment. En gros, si t’es français et que tu reviens des USA, tu n'as pas forcément la même réaction que moi.
Pour ma part, donc, ce fut difficile dans le sens où je me suis sentie en décalage par rapport à ce(ux) que j’ai retrouvé ici-bas. L'envie de partager ce que j'ai vécu est encore présente mais se trouve face un mur, duquel de vagues fentes surgissent parfois... Mais ce n’est même pas le partage qui a été mon véritable souci. Ce fut plutôt le choc de re-rentrer dans le moule, de se satisfaire de ce qu’on a, d’avancer à petits pas.
"Alors l'américaine, c'était comment là-bas?" THE question que tout le monde te pose quand tu viens de revenir. Il faudrait que quelqu’un m’explique un jour si la personne qui pose cette question s’attend à un récit détaillé, à deux trois anecdotes crépitantes de préjugés, ou à un simple ‘bien, très bien’, comme j’avais choisi de le faire. Dans certains cas, cette question sonnait (et sonne toujours, surtout à la veille de Noël, date de retrouvailles familiales…) pour moi comme la première et la dernière occasion de parler de tout ça avec la personne qui pose la question. Comme si, une fois posée cette question, on n’avait plus besoin de se soucier outre mesure du sujet. Genre ‘ça, c’est fait…attraction suivante ?’
Les flashes. C'est hallucinant les flashes. T'es tranquilou en train de marcher dans la rue et là tu vois un caniche. POUF ça vient et ça y est, ça te rappelle le caniche de ta voisine de là-bas et puis comment tu jouais avec les enfants dans le jardin, et puis haaa c'que c'était bien quand le printemps est revenu en mai et que tu pouvais faire du vélo, cheveux au vent... Des souvenirs tout bêtes, mais tellement bons… et là t'as un sourire niais collé au visage, t'es de retour accroché à ton petit nuage...
Parce que oui, mine de rien, c'est un petit nuage, tous ces souvenirs. Un remède à l'oubli. J'aime m'y percher pour ne pas oublier ce qui a construit ce que je suis.
L'autre jour, je lisais Richard Brautigan (qu'on a étudié à la fac, même que c'est vachement bien) et il dit dans "The Gathering of a Californian" quelque chose qui m'a frappée. C'est pas dit exactement pour la même situation, mais je l'ai interprété pour mon histoire évidemment: it 'seems at times to have occured to another body somehow vaguely in my shape and recognition'. En gros, c'est la sensation que tout ce qui est raconté sur ce site est arrivé à un autre corps, comme si ça s'était passé dans une vie antérieure! Ca vous arrive jamais de rêver des fois la nuit, et le matin, oublier ce rêve, mais durant la journée, vous avez des flashes, des tout petits instants de souvenirs savonneux qui vous échappent des doigts quand vous les attrapez? C'est cette sensation que j'ai parfois, en exagérant un peu.
Le 'culture shock' dont on nous avait tant parlé aux USA (mi octobre, réunion de tous les TAs avec nos coordinatrices: "nous allons évoquer le choc des cultures, car il faut en parler", comme si c'était une maladie, une fatalité), hé bien je n'ai jamais été touchée par ce fléau...là bas. Mais par contre rha là là, qu'est ce que je m'en suis pris plein la gueule en revenant!
C'est assez dur d'expliquer les raisons. Là-bas, je n'ai rien ressenti sans doute parce que les Etats-Unis restent une société occidentale assez proche de la nôtre, et qu'il est facile de survivre dans la bonne humeur sachant que l’on n’est pas là pour toute sa vie. Tout petit/gros/énorme défaut de la société ou des gens ou autre prend alors beaucoup moins d'importance et est submergé par la masse de découvertes et de nouvelles expériences. On a les yeux comme des soucoupes planantes et on en redemande.
En revenant, des envies de tout changer m’ont prises, de vivre dans une caravane à refaire la tapisserie de ma chambre (ouais, jsuis passée par des trucs de fous). Je critiquais intérieurement tout ce qui existait, de quoi saoûler les plus rôdés.
De là des réflexions du genre « descends de ton nuage, tu es de retour chez toi ». Et voyez vous, me dire que ça y est, l’aventure est terminée, tout le monde descend !, on rentre dans le rang et on reprend son petit train-train là où on l’avait laissé il y a 10 mois, ça fout les boules. De quoi être bien blasé. Comme si j’étais à bord d’un avion en partance pour une vie rêvée, mais qui se serait cassé une aile après 10 minutes de vol. C’est ballot… C’est là que fermer une parenthèse prend du sens pour ceux qui vous voient changé et qui veulent retrouver la personne qu’ils ont quittée. Mais moi je ne veux pas fermer la parenthèse ! Je ne veux même pas que ce soit une parenthèse! Je veux que ça fasse partie intégrante de ma vie, comme si c’était normal en somme.
Ça a fait du bien les grandes vacances, dans ma caravane au fond du camping où je bossais. Rentrée en France, mais pas encore au bercail. Bon compromis pour se remettre de 10 mois d’absence. De quoi se recentrer un peu, voir pourquoi on est sur Terre, pour qui, pour faire quoi… Oui oui, vous pouvez le dire plus fort… Les grandes questions existentielles ! Mais quelque part, quand on a goûté à quelque chose qui nous a plu et que brutalement, on en est privé, et qu’on entend que c’est pas près de recommencer parce que le futur, c’est pas en s’amusant qu’on le construit, et qu’il faut des diplômes etc, et bien ça fait mal au cœur qui était tombé amoureux de cette vie…
Et ça crisse dans la tête, on veut se débarrasser de ces idées si matérielles, mais qui, hélas, sont fondées.
Mais c’est tellement bon de s’ouvrir à d’autres horizons, de prendre chaque facette qui nous plaît dans une culture pour que ce soit les facettes de son propre monde à soi. Pour que piocher à droite à gauche soit une façon de construire et d’équilibrer notre vie. Pour que piocher à droite à gauche soit une façon de vivre ses rêves. Pour que piocher à droite à gauche soit une façon de ne pas s’oublier dans une société préfabriquée où on doit se fondre dans la masse et y trouver son compte. On est tous tellement avide d’être heureux, de montrer un bonheur rayonnant, et on est tous tellement bloqués par des barrières qu’on s’impose. Moi la première, bien malheureusement. Et au final, qu’est ce qu’on a ? Une tentative de bonheur, qui tourne à la routine parce qu'au fond, avoir des attaches et une vie bien posée, c’est aussi s’exposer à la routine, fatalement. Il y en a qui diront qu’ils y trouvent leur compte. D’autres qui diront qu’ils en ont marre que leur vie manque de piment mais qui ne changeront rien. Et d’autres qui sauteront le pas. J’aimerais faire partie de la troisième catégorie.